L'approche interculturelle

Quelques notions clés

Quelques idées fortes pour une pédagogie interculturelle

Quelques idées pour une éducation géographique interculturelle

Bibliographie

Quelques notions clés

L'acception la plus large du concept de culture intègre des objets matériels (utilitaires ou esthétiques), des techniques et des pratiques de tous ordres (nourriture, langue, façon de vivre, organisation sociale,...), des formes mentales (manière de penser et de sentir,...) et, par dessus tout, la façon d'assembler entre eux ces divers éléments. Les héritages culturels sont donc lus comme des façons de s'adapter à un contexte écologique, économique, technologique et social donné.

On peut distinguer des niveaux d'enracinement culturel plus ou moins profonds, qui déterminent le degré de résistance au changement ou simplement la capacité d'accueil de la différence :
- le niveau "superficiel" : vêtements, nourriture, architecture,... (niveau relativement facile à ouvrir);
- le niveau "moyen" des structures collectives : les structures sociales, économiques, politiques, les structures mentales et langagières aussi et, en ce qui concerne les géographes, les structures spatiales (niveau plus difficile à modifier);
- le niveau "profond" des valeurs et des croyances (niveau extrêmement difficile à modifier).

Le concept de "noyau dur" désigne la part qui n'est pas négociable, qui ne supporte aucun compromis, qui est très profondément ancrée et entourée d'un système de défense important, parce qu'il contribue à la structure même de la personne.

Les situations multiculturelles sont communément étiquetées de la façon suivante :
- marquées par un processus d'assimilation par acculturation individuelle ou de masse des "dominés", qui ne peuvent occuper le territoire qu'à condition d'épouser la culture des "dominants" ;
- favorisant un processus d'insertion, qui assure la protection des identités en présence et encourage plutôt le conservatisme;
- encourageant un processus d'intégration, par la négociation d'une façon de vivre ensemble qui aboutit à un "métissage culturel".

La pédagogie interculturelle se fonde sur le respect des porteurs de culture (et non des cultures en soi), qui sont légitimés s'ils donnent à croire à leur sincérité et à leur conviction intime. Le jugement de valeur est donc permis, mais nous n'avons pas le droit d'imposer nos valeurs.

La démarche interculturelle passe par trois étapes :
- la décentration : prendre conscience de ses propres cadres de référence;
- la pénétration du système de l'autre : tenter de se placer du point de vue de l'autre et de le comprendre;
- la négociation : identifier les noyaux durs et l'espace de négociation possible afin de trouver des solutions que chaque partie admettra en conscience, impliquant souvent un minimum de compromis.

Quelques idées fortes pour une pédagogie interculturelle

Stimuler la curiosité pour la découverte d'autres peuples, d'autres cultures. Proposer la confrontation avec d'autres jugements de valeurs, rechercher l'intérêt de la différence. Clarifier les éléments qui composent l'identité d'une personne, d'un groupe social.
Permettre aux élèves de prendre conscience des stéréotypes qui sont véhiculés et de les démystifier, tant ceux qui concernent "les autres" que ceux qui s'appliquent à "nous". Découvrir que la culture doit constamment être recréée par rapport aux traditions existantes, pour s'adapter aux nouvelles conditions de vie.
Permettre aux élèves de découvrir la complexité du phénomène "stéréotypes" : leurs avantages et leurs inconvénients, les intérêts que certains groupes sociaux ont de les véhiculer, ...  Découvrir que "les pesanteurs qui caractérisent beaucoup de groupes humains ne viennent pas du manque d'imagination des individus qui les composent mais du frein que constituent les normes, les habitudes et les institutions en place."
Découvrir le concept de "noyau dur" (ce qui n'est pas négociable) et apprendre à identifier le noyau dur d'une personne, d'un groupe humain, d'un problème collectif. Découvrir les notions de culture "d'élite" (la mise en "patrimoine reconnu" par les dominants) et de culture "populaire" (si "typique et pittoresque" pour les touristes).
Permettre un apprentissage de la négociation et des limites de l'intégration. Prendre l'habitude de se préoccuper des problèmes de l'autre.
Expérimenter le métissage culturel (productions collectives en intégrant des éléments propres à chaque culture et en se servant d'éléments culturels étrangers à soi). Découvrir que le métissage culturel est à l'oeuvre chez chaque individu, tout au long de sa vie et que la culture d'un individu est la résultante de la combinaison, sans cesse à l'oeuvre, de multiples courants culturels.

 Quelques idées pour une éducation géographique interculturelle

Explorer les relations entre "cultures" et "territoire"
- explorer les concepts d'étranger, de territoire, de culture;
- découvrir les notions de "foyer d'innovation", "diffusion", "vecteur de diffusion";
- découvrir que la culture n'est pas nécessairement liée à un espace bien délimité, contrairement à ce que le discours dominant sur les cultures proclame (-> relations entre esprit national ou régional et culture);
- découvrir que les mentalités à un endroit donné peuvent varier rapidement suite à un événement (catastrophe naturelle, par exemple) qui bouleverse l'organisation, l'ordre établi, quelle que soit la limite administrative;
- découvrir la contradiction entre identité culturelle forte et liberté : c'est dans les espaces où le pouvoir est le plus dominant que la créativité, l'innovation, seront les moins fructueuses;
- attirer l'attention sur les dangers de la tendance à mettre en oeuvre un sentiment d'appartenance fort sur base de l'identification de critères soi disant communs à une région dite "culturelle";
- mettre l'accent sur le fait qu'un même territoire est marqué par la cohabitation de plusieurs cultures.

Mieux cerner ses propres cadres de références spatiales, en tant qu'individu porteur d'une culture et de sous-cultures, par la découverte d'autres références culturelles :
- stimuler la curiosité, découvrir la diversité, la repérer et la nommer
- par réflexivité, repérer et nommer ses propres "marqueurs culturels", et prendre conscience de leur caractère construit et relatif (par exemple, prendre conscience que le paysage, l'aménagement du territoire, sont le fruit de valeurs culturelles);
- situer les stratégies spatiales mises en oeuvre à un moment donné dans leur contexte et ne pas les voir comme le résultat d'un déterminisme.

Exercer son esprit critique vis-à-vis de l'utilisation de la géographie comme instrument de manipulation à des fins économiques ou politiques.
- découvrir comment manipuler la constitution d'une identité culturelle
- en produisant des cartes à une certaine échelle plutôt qu'à une autre, ou avec des limites variables
- en laissant croire que les frontières culturelles existent dans la réalité, alors qu'elles sont le fruit d'une construction mentale répondant à certains objectifs;
- en sélectionnant certains critères et pas d'autres pour mettre en évidence une "unité" territoriale soi disant constante, et même une "originalité" territoriale, sans évoquer leur caractère relatif dans le temps et dans l'espace - pour mieux séparer "eux" et "nous"
- en mettant l'accent sur les caractères dominants d'une société, contribuant par là à ne pas accorder de reconnaissance aux minorités;
- en omettant de signaler que tout concept est étroitement lié à un système de valeurs, qui n'est pas nécessairement partagé par tout le monde (voir par exemple, la critique du concept de développement durable d'un point de vue culturel par L. Sauvé).

Bibliographie

ABDALLAH-PRETCEILLE M., 1992, Quelle école pour quelle intégration ?, CNDP et Hachette éducation, Paris.

CAMILLIERI C., 1993, Le relativisme, du culturel à l'interculturel, dans L'individu et ses cultures, Collectif, L'Harmattan, coll. Espaces interculturels, Paris.

CLAVAL P., 1995, La géograhie culturelle, Nathan, Paris.

CLAVAL P., 1999, Des aires culturelles aux réseaux culturels , article sur le site personnel de Daniel Letouzey.

COHEN-EMERIQUE M., 1993, La formation des enseignants : pour une approche interculturelle, dans La pluralité culturelle dans les systèmes éducatifs européens en 1993 - Actes du colloque de Nancy - janvier 1992.

COLLECTIF, dir. ABDALLAH-PRETCEILLE M. et THOMAS A., 1995, Relations et apprentissages interculturels , Armand Colin, Paris.

COLLECTIF, dir. VERMES G. et FOURIER M., 1994, Ethnicisation des rapports sociaux. Racismes, nationalismes, ethnicismes et culturalismes, volume III, coll. Espaces interculturels, L'Harmattan, Paris.

LEURIN M., 1995, Education interculturelle en Communauté française, L'Agenda culturel, n° 132, Bruxelles, p. 8.

PARTOUNE C., 1996, - L'interculturalité dans Les Jeunes et la ville - Cadres de références, Ministère de la Communauté française de Belgique, pp. 17-23.

REMY J., 1990, dans Immigrations et nouveaux pluralismes - une confrontation de sociétés, Collectif (
dir. A. Bastenier et de F. Dassetto), éditions Universitaires et De Boeck Université, Bruxelles, pp. 103-104.

ROHWER G., 1998, Is the division of the world into world culture regions a valid concept for intercultural learning in geography lessons?, Proceedings of Oporto Symposium, IGU, pp. 229-230.

SAUVE L., 1998, L'éducation relative à l'environnement : Entre modernité et postmodernité- Les propositions du développement durable et de l'avenir viable - Montréal, Colloque du 19-30/10/1998 : L'avenir de l'éducation relative à l'environnement dans un monde postmoderne ?
(http://www.ec.gc.ca/eco/education/paper1/Paper1_f.htm)

TARACENA E., 1994, La construction psychique de l'enfant sous l'influence de modèles identitaires différents, dans Cultures ouvertes, sociétés culturelles : du contact à l'interaction, textes réunis par C. Labat et G. Vermes, L'Harmattan, coll. Espaces interculturels, Paris, pp 171-172.

Ressource intéressante

Créer un pont entre les différences culturelles : conseils concrets prodigués par la Coalition interagence sida et développement, s'appliquant à des situations de jumelage ou d'échanges interculturels.


 Université de Liège

 Laboratoire de Méthodologie de la Géographie

 Ministère de la Communauté française

 Recherche interréseaux en éducation
sur les compétences terminales en géographie

 Christine Partoune
Assistante en didactique au Laboratoire de méthodologie de la Géographie
Université de Liège
© août 1999